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CHRISTIANE FILLIATREAU

“ Ce n’est sans doute pas un hasard si Christiane Filliatreau a choisi d’installer son atelier sur une restanque taillée à flanc de paroi de l’ancien défilé stratégique qui traverse le Luberon. Voici l’artiste façonnée elle-même par ce paysage qu’elle a épousé et qui lui sied si bien, ancrée entre le minéral aux formes puissantes polies par le temps et la terre végétale déposée ici comme joyau à travailler avec vigueur et persévérance. Si Christiane lui dédie le bleu de ses yeux, ce regard acéré des êtres d’altitude qui la traverse jusqu’au bout des doigts, elle puise tout au fond d’elle-même l’inspiration qui se nourrit d’antiques mémoires bien au-delà de sa terre d’enfance: au creux d’un oued du Maghreb, seule à l’écart de la vigilance maternelle, elle commençait déjà à modeler son royaume.
Le souffle créateur, en elle, semble puiser au plus profond, mais que les gestes de la vie ordinaire servent, nourrissent encore: entre les séquences pures de création, les mains vives pourraient paraître désoeuvrées. Elles s’affairent au contraire, prépare la terre, dansent autour de l’évier, rangent, raclent les tables de l’atelier. Signes d’une intense concentration pour sentir comment elles atteindront, exprimeront au plus juste l’idée qui taraude, s’annonce, impérieuse.Le doute n’aura de place que plus tard. Une gestation est à l’oeuvre…
Il n’est pourtant pas question de se limiter à lire dans l’oeuvre de Christiane les attributs manifestes de la féminité et les symboles en creux qui s’y rattachent, pour se rendre à l’évidence que l’artiste ne se satisfait pas seulement de cette complétude ou harmonie à travers la bipolarité des genres.
Elle semble aller plus loin encore, exaltant son propre féminin comme une force matricielle, réceptive, essentielle dans laquelle s’origine sa puissance créatrice. Acceptant au travers de ses oeuvres, d’aller vers cet essentiel de sa propre métamorphose. Elle apprivoise le creux en elle, part à sa rencontre pour l’épouser. Elle dit souvent  « que ses pièces sont creuses techniquement, mais pas vides. »

Texte de Myriam Boutrolle

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